Oct
27

Evasion - Benjamin Whitmer


Auteur : François

Evasion - Benjamin Whitmer

La veille de Noël, 1968, à Old Lonesome, petite bourgade du Colorado, douze détenus s’évadent de la prison. Le livre s’ouvre sur quatre d’entre eux, Mopar, Howard et deux autres lascars. Trois matons enchainés et une vieille femme sont entre leurs mains ; les prisonniers mettent en application leur plan pour s’évader. Ils savent l’affaire ardue, car l’impitoyable maître des lieux, symbole de l’ordre et de la rigueur, le directeur de la prison, accompagné de ses séides, va entamer une poursuite implacable.

A ses côtés deux journalistes du Rocky Mountain News, en décalage avec les gardiens de prison, car identifiés comme hippies, ont flairé le bon coup, et se joignent à la chasse à l’homme.En parallèle, Dayton, cousine de Mopar, se met en tête de le retrouver avant les autorités. 

Le froid glacial qui règne, et la sirène tonitruante de la prison avertissant les habitants d’une évasion en cours, n’empêcheront pas une vague de violence de se déchainer sur le passage des protagonistes de ce roman.

 

Benjamin Whitmer ne se facilite pas la tâche en choisissant des personnages qu’a priori le lecteur n’aimera pas au premier abord. De plus il les saborde allègrement, en leur faisant opter souvent le mauvais choix, « On a toujours ses souhaits dans une main et de la merde dans l’autre. » Mais l’auteur cherche, à ce que le lecteur éprouve à un moment donné de la compassion pour son personnage. Pourquoi cette recherche de compassion ? Whitmer l’a expliqué lorsque François Bunuel est venu le rencontré cet été. Il explique dans le très beau reportage que je vous conseille de regarder si ce n’est déjà fait, que l’Amérique n’est pas compassionnelle. C’est le pays de la Liberté, et paradoxalement c’est le pays qui enferme le plus de monde en prison. La violence de Evasion symbolise l’Amérique. « Nous sommes une nation bâtie sur un génocide, dit Whitmer. L’autre violence aux USA c’est la violence économique. »

L’écriture de Whitmer, dont le talent déjà perceptible dans ses deux premiers romans, Cry Father et Pike, éclate au grand jour et régale le lecteur. Whitmer n’effectue pas des choix faciles et sa lecture peut paraître déroutante. Ses personnages sont coincés dans une vie qu’ils n’ont pas choisie. Et si aucune issue n’en apparaît ni lumineuse ni évidente, c’est parce que « Ce monde n’est pas fait pour que vous vous en évadiez. Ce monde est fait pour tenir votre cœur captif le temps qu’il faut pour le broyer. »