Juil
29

Traversée vent debout - Jim Nisbet


Auteur : François

Traversée vent debout - Jim Nisbet

Charley Powel, à bord de son voilier Vellela Vellela, est-il un trafiquant de drogue, un aventurier, un écrivain, un solitaire ? Il est un peu tout ça à la fois. Et pour sa dernière livraison de cocaïne il a décidé de frapper un grand coup. Malheureusement pour lui le destin va en décider autrement. En pleine tempête au large de Cuba, un conteneur vient heurter la coque de son bateau. « Posant la main sur la barre, Charley constata que l’épave avait arraché la pale du régulateur, mais pas endommagé le safran. Sa présence d’esprit réclamait à grands cris une pinte d’adrénaline, ressource avec laquelle rivalisaient déjà de façon disproportionnée stupéfaction, peur, résignation, courage et blessure au bras ; cependant que le monstrueux coffre de fer, qui mesurait près d’une fois et demie les vingt huit pieds de Vellela vellela, roulait pesamment, obscène, sous la houle bleue. »

Le navigateur solitaire, voyant son monocoque s’enfoncer dans les eaux, évalue les alternatives, aussi peu attrayantes qui s’offrent à lui : tomber entre les mains des gardes côtes et plonger de nouveau en prison, servir de repas aux requins dont les ailerons inquiétants tournoient autour de l’étrave. A moins de terminer par un ultime pied de nez et parachever ainsi le jeu de piste qu’il a construit derrière lui. Sa sœur, Tipsy, son ami et employeur, Red Means, vont alors partir sur les traces de Charley, et petit à petit, en déroulant la pelote, vont découvrir que la cocaïne n’était pas la plus dangereuse des marchandises que transportait Charley.

Ce roman époustouflant nous entraine dans une navigation incroyable. Dans ce polar irrémédiablement atypique Jim Nisbet nous transporte au cœur d’un monde de navigateurs. Attention à ceux qui n’ont pas le pied marin, cet ouvrage fait tanguer de toute part. Il s’agit là d’une lecture complexe et réjouissante, documentée et vivante où la perception tant de l’air iodé que du passé mystérieux des Caraîbes sont autant de récompenses pour le lecteur. La vision politique de l’auteur, ses dialogues consistants, les détours multiples et ses maintes digressions constituent autant de pépites que le lecteur savourera sans modération.

Ce livre est également un pur joyau de références littéraires. Les personnages de Nisbet traduisent son goût immodéré des bonnes lectures. En voici un exemple en amuse bouche : « Tipsy avait aussi un fauteuil au pied de son lit, destiné aux nombreux jours où il faisait trop humide ou trop froid pour lire dehors. De part et d’autre du fauteuil, jusqu’à hauteur des deux accoudoirs, se dressait une pile de livres de poche dont les tranches détaillaient les tendances de lecture de Tipsy ; Les thrillers de Ross Macdonald, Agatha Christie, Sherlock Holmes, Dashiell Hammett, Raymond Chandler, beaucoup, beaucoup de Simenon, et même les romans policiers de Faulkner er Gore Vidal, ainsi qu’Eric Ambler, Wilkie Collins, Ruth Rendell, Dick Francis, Robert Parker…, tout le début et le milieu de carrière de Françoise Sagan, De Bonjour Tristesse jusqu’au Lit défait, et une fois que Tipsy eut découvert que Sagan avait emprunté son pseudonyme à un personnage de Proust , la Recherche du temps perdu, cadeau de Quentin, eut bientôt droit à son propre tabouret. »